L'Alano Espagnol, également connu sous le nom de Bulldog Espagnol, est une race de chien très ancienne. Son nom fait référence aux Alains (ou Alani, en latin), un peuple nomade scythique originaire de ce qui correspond aujourd’hui au Caucase du Nord, un district fédéral russe situé à l’extrême sud-ouest du pays, coincé entre la Mer Noire et la Caspienne. Ils arrivèrent sur la péninsule ibérique avec les Barbares à la chute de l’Empire romain, au 5ème siècle après J.-C. Les Alains utilisaient des chiens pour la guerre, la chasse, la garde et pour l’élevage de bétail ; l’Alano Espagnol est un descendant direct de ces derniers. Si les premiers Alanos étaient très semblables au Mastiff du Tibet, race de chien de travail très ancienne employée à l’origine par les bergers nomades de l'Himalaya, leur aspect changea fortement au fil du temps. Il faut dire que leurs propriétaires, les Alains, conquirent des territoires variés, des bords de la Mer Noir à l’Europe méditerranéenne et jusqu’en Afrique du Nord. Ils eurent donc l’occasion d’évoluer sous différents climats, de se reproduire avec divers chiens locaux et de se voir assigner des tâches variées, ce qui entraina des variations morphologiques importantes.

En 1350, le roi de Castille et de León Alfonso XI (1311-1350) lui-même mentionna des chiens de chasse appelés Alani dans son livre Libro de la Montería, et les décrivit comme ayant de belles couleurs. En 1387, Gaston Fébus (1331-1391), comte de Foix, fit de même dans son Livre de chasse. À partir de 1492 et de la conquête de l’Amérique, l’Alano fut d’une aide très précieuse aux explorateurs espagnols pour combattre et capturer comme esclaves les Amérindiens. Les croisements avec des chiens locaux donnèrent en outre naissance à diverses races qui existent encore de nos jours, comme le Cimarron Uruguayen, le Fila Brasileiro ou le Dogue Argentin. Les conquistadores amenèrent aussi quelques spécimens avec eux lorsqu’ils conquirent les Canaries à partir du 15ème siècle, et ces individus sont les ancêtres du Dogo Canario (ou Presa Canario).

L’Alano fut également utilisé pour la garde de troupeaux dans de nombreuses régions d'Espagne. Ainsi, les Espagnols reprirent à leur compte toutes les utilisations ancestrales que les Alains faisaient de leurs chiens. Sa polyvalence est également illustrée par des écrits publiés en 1613 par Miguel de Cervantes (1547-1616), dramaturge espagnol, dans son livre El Coloquio de los Perros. Il évoqua notamment la grande utilité du Bulldog Español à l'abattoir de Séville, où il était alors utilisé pour capturer les taureaux agressifs, tenir le bétail pendant l’abattage, faire la garde et arrêter les animaux qui tentaient de s’échapper.

À partir d’une certaine époque, il commença également à être utilisé dans le cadre de combats contre des taureaux, comme l’attestent différents témoignages du 18ème siècle. Il fut également employé pour les combats de chiens, et c’est d’ailleurs encore le cas de nos jours – la différence étant que ces derniers se déroulent dans la clandestinité, puisque cette pratique est interdite dans de nombreux pays, dont l’Espagne. En outre, pendant cette période qui dura du Moyen-Âge jusqu’au 19ème siècle, les Anglais, les Français et les Allemands importèrent l’Alano dans leurs pays respectifs et le croisèrent avec leurs chiens locaux, qu’il s’agisse du Bulldog, du Bullenbeisser ou encore du Dogue de Bordeaux. De ces croisements naquirent par exemple le Mastiff, le Bullmastiff, le Boxer, le Mâtin Napolitain ou encore le Cane Corso. Il est également l’ancêtre du Ca de Bou (ou Dogue de Majorque) suite à des croisements avec des chiens de berger locaux.

À partir du 19ème siècle, l’utilisation de l’Alano en tant que chien de chasse diminua. En effet, la concurrence de nouvelles races étrangères, l’évolution des traditions de chasse et les débuts de l’utilisation des armes à feu pour la chasse diminuèrent leur nombre au sein des rehalas (groupes de chiens de chasse). En parallèle, l’interdiction de la corrida en 1883 mit fin à son rôle dans les arènes. Puis, pendant la guerre civile espagnole (1936-1939), des milliers de spécimens furent tués, au point que sa population fut fortement décimée. La race connut donc pendant des décennies un déclin numérique rapide en Espagne, au point que des études finirent par affirmer son extinction.

En 1963, lors d’une exposition canine au parc Retiro, à Madrid, un couple de représentants de la race fut présenté comme en étant les derniers représentants. Peu après, elle fut considérée – à tort - comme complètement éteinte. Au début des années 1980, Carlos Contera, Luis A. Centenera et Luis M. Arribas, membres tous les trois de l’Association National de Criadores de Alano Español (ANCAE), le club de race espagnol, se lancèrent dans un travail de recensement des individus restants. Ils parvinrent à en retrouver environ 300 chiens employés pour la garde de vaches sauvages dans des territoires assez difficiles d’accès en Espagne (provinces de Burgos, Cantabrie et Salamanque, sous-région des Encartaciones, dans la province de Biscaye). Pendant une dizaine d’années, des chercheurs en médecine vétérinaire de l’université de Cordoue examinèrent le patrimoine génétique de chacun d’eux afin de s’assurer de leur pureté raciale. Ils furent dès lors utilisés dans le cadre d’un programme pointilleux de reproduction, qui permit la renaissance de la race.

En 1997, un premier standard de race fut rédigé. Il fut révisé dès 2000, grâce aux résultats d’une étude biométrique réalisée sur plus de 50 spécimens. Si l’homogénéité de la race était clairement établie d’emblée sur le plan psychologique, il n’en allait pas de même d’un point de vue physique.

L'Alanos espagnol a travers l'histoire